16.01.2022 Il y a 400 ans naissait Molière, et si nous allions au théâtre ?

Investigation sur la validité d’un petit billet de théâtre en carton. N’oubliez pas de cliquer sur le dernier portrait !

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Un carton imprimé de 59×70 mm, portant l’inscription “PREMIÉRE LOGE” en petites capitales dans un cartouche décoré de fleurons typographiques, avec un cachet de cire rouge, un timbre sec “PC”, une mention à l’encre “6e à gauche“, et au verso :

une ancienne inscription au crayon”représ. [tation] de Molière à Lyon, 1657“, et un vieux prix comme on les notait au XIXe siècle ou au début du XXe, “25 francs“, soit un “vrai” prix pour un petit bout de carton, selon les connaisseurs.

Le cachet de cire rouge est aux armes de l’Hôtel-Dieu de Lyon.

Depuis plusieurs siècles, nombreux sont les chercheurs et curieux, collectionneurs et universitaires, qui se sont lancés à la recherche des documents physiques, iconographiques ou manuscrits permettant de documenter la vie de Molière.

Car autant Molière est universellement célèbre, et ses pièces connues de vingt générations d’écoliers francophones, autant la description de sa vie et de sa carrière provoque des discussions passionnées.

Car les éléments sont rares, et les documents matériels parvenus jusqu’à nous, les “pièces à conviction” de l’enquête présentent des difficultés d’interprétations exemplaires. Ce sujet est passionnant pour les étudiants-détectives.

La seule écriture autographe préservée est sa signature sur son acte de mariage conservé aux Archives nationales : “J.B. Poquelin Moliere”.


Retournons au milieu du XVIIème siècle. Depuis une ordonnance royale de 1641, l’opprobe a été levée sur les troupes de comédiens, à condition qu’ils respectent la décence. Ils payent un droit d’environ 5 % sur leur billetterie, en devant jouer une représentation sur vingt au bénéfice des hôpitaux. Ces billets spéciaux portent alors le cachet de l’administration, ici l’Hôtel-Dieu de Lyon, dont les registres conservent en date du 21 février 1657, le compte-rendu d’une recette de 409 livres à la suite de la prestation des comédiens le 15 février. Une délibération des recteurs les avaient autoriser à “jouer pour le bénéfice des pauvres malades dudit Hostel-Dieu”.

Ni le nom de la pièce, ni le nom de la troupe ne figurent sur le billet, et certains esprits ont critiqué la tradition commune du musée des Hospices Civils de Lyon et des historiens et collectionneurs Lyonnais qui identifie cette troupe avec celle de Molière. Ils admettent cependant que Molière était bien alors à Lyon, et que l’on n’a nulle trace d’une autre troupe y séjournant en même temps.

On a retrouvé une lettre autographe du Prince de Conti, précédent protecteur de la troupe, récemment converti avec zèle à la bigoterie, lettre écrite de Lyon à son confesseur Gabriel de Ciron : «Il y a des comédiens ici qui portaient mon nom autrefois. Je leur ai fait dire de le quitter et vous croyez bien que je n’ai eu garde de les aller voir… » (15 mai 1657).

C’est aussi à la même époque que Molière se lie d’amitié avec deux jeunes peintres rentrant d’Italie, les frères Mignard, qui vont laisser de rares documents iconographiques :


C’est ainsi que l’on dispose des portraits de Molière (en César) et de Madeleine Béjart (en Cléopâtre) jouant dans La Mort de Pompée de Pierre Corneille, servant de modèles pour Mars et Vénus de Nicolas Mignard, 1657 (René-Thomas Coèle, « Madeleine Béjart et Molière, modèles des peintres Nicolas Mignard et Pierre Mignard. Avignon, 1657 », Revue d’histoire du théâtre, 1957, IV, p. 276-290).

Est-ce la pièce de Corneille qui fut représentée devant le gouverneur-archevêque de Lyon ?

Ou est-ce la récente comédie créée par Molière : “Le dépit amoureux”. Le musée des hospices conserve d’autres billets de la même représentation au profit des indigents :


Une page du livret de “L’École des Femmes” jouée à la Comédie de Lyon (1965).

Le carton étudié dans cette transmission provient de la collection Jean Darnel (vente Piasa 20 novembre 2007, n° 79 avec reproduction). Il a été exposé au Grolier Club, New York, 2019.

Notre époque digitale favorise l’illusion de connaître Molière, elle permet de le rencontrer dans le Metaverse, là-haut, où les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris …

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